20090305

Aux portes du pouvoir, le chef de l'opposition accusé de «sodomie»

DUBUS Arnaud
De notre correspondant à Bangkok Le dirigeant de l'opposition en Malaisie Anwar Ibrahim a-t-il sodomisé l'un de ses jeunes assistants ? Le vice-Premier ministre Najib Razak était-il l'amant d'une Mongole assassinée et dont le corps a été détruit à l'aide d'explosifs ? Ces questions, qui pourraient constituer la trame d'un soap opéra de mauvais goût, témoignent du climat délétère de la vie politique malaisienne.
Anwar Ibrahim, dont le mouvement politique a ébranlé la coalition gouvernementale lors des élections de mars dernier, a été inculpé jeudi de «sodomie consensuelle», un crime passible de 20 ans de prison en Malaisie. Les faits se seraient produits le 26 juin. Mais selon un rapport médical, dont les détails ont été largement diffusés sur Internet, rien n'indique que Saiful Bukhari Azlan, l'assistant d'Anwar qui a porté plainte, a été sodomisé.
«Conspiration». Anwar Ibrahim a depuis été libéré sous caution par un tribunal de Kuala Lumpur, devant une audience bondée de ses partisans. Agé de 60 ans, le charismatique leader de l'opposition a désormais la voie libre pour participer à une élection législative partielle, fin août, prélude à son entrée au parlement et, espère-t-il, au renversement du gouvernement en place.
Etrangement, les accusations d'abus sexuel lancées contre Anwar, qui avait été condamné dans le cadre d'une affaire similaire en 1998 avant d'être acquitté six ans plus tard, semblent avoir renforcé sa popularité. Un sondage effectué par le Merdeka Centre de Kuala Lumpur montre que 89 % des sondés ne croient pas aux nouvelles accusations. «Beaucoup de gens voient cela comme une nouvelle conspiration, estime Steven Gan, directeur du site d'information politique Malaysiakini. A moins que les accusateurs n'apportent des preuves solides, ils ne parviendront pas à convaincre le public.» Cela risque d'être d'autant plus délicat que le vice-Premier ministre, Najib Razak, a reconnu avoir rencontré l'assistant d'Anwar Ibrahim début juillet, avant que l'affaire n'éclate.
Instabilité.Affaibli par la mauvaise performance électorale de mars, le Premier ministre Abdullah Badawi a d'ores et déjà indiqué qu'il allait transférer le pouvoir, à l'horizon 2010, à Najib Razak, un aristocrate aux ambitions affichées. Mais celui-ci est lui-même lié à une scabreuse affaire de meurtre commis par ses gardes du corps : l'assassinat par explosif d'une jeune traductrice mongole qui faisait chanter un ami proche de Najib. Depuis, Anwar et Najib sont en guerre ouverte, échangeant mutuellement accusations et invectives.
S'il est élu fin août au parlement, Anwar peut devenir Premier ministre, à condition d'arriver à débaucher trente députés de la coalition gouvernementale. Certains d'entre eux étaient prêts à franchir le pas, avant que la nouvelle affaire de sodomie ne fasse surface. Depuis, ils attendent de voir quel tour vont prendre les événements.
Les autres estiment que la volonté d'Anwar de saisir immédiatement le pouvoir risque de prolonger l'instabilité politique. «Beaucoup pensent qu'il devrait attendre quelques années et entrer à Putrajaya [le site du gouvernement, ndlr] par la grande porte et non pas par la porte de derrière», affirme le politologue Chandra Muzaffar. Le sous-entendu est graveleux mais il est révélateur de l'atmosphère politique à Kuala Lumpur.

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